Datation et origines de l'homme

Article 1210 du CODEX : Datation et origines de l’homme

 

Chaque mois, à mesure que l’on explore de nouveaux sites où l’on trouve des squelettes, l’histoire de nos origines évolue. Dans notre vision actuelle de l’évolution humaine, Homo erectus est d’abord apparu il y a 2 millions d’années. Ensuite, il y a 600 000 ans, il a donné naissance à Homo heidelbergensis, qui a quitté l’Afrique 200 000 ans plus tard. Plusieurs représentants de cet homo se sont ensuite aventurés au Moyen-Orient et en Europe, où ils ont évolué pour devenir des hommes de Néanderthal. Les autres sont allés à l’est et sont devenus des Dénisoviens, découverts pour la première fois en Sibérie en 2010. Il y a 200 000 ans, la population restée en Afrique a évolué en Homo sapiens. Puis, il y a 60 000 ans, ces premiers humains se sont répandus en Eurasie, où ils ont remplacé les hominines locaux sans qu’il y ait eu de croisements entre les deux espèces.

Un rapide résumé de certaines des fouilles les plus importantes de l’histoire anthropologique souligne les nombreux écueils que pose les systèmes de datation utilisés et témoigne du risque réel que cette échelle et cette succession d’événements ne soient gère plus qu’une fiction.

 

Afrique

Les célèbres sites archéologiques des grottes de la rivière Klasies (fouillées en 1967) et de Border Cave (1941) contiennent des restes humains qui auraient entre 65 000 et 110 000 ans, d’après la datation des roches trouvées à proximité immédiate. Les fossiles eux-mêmes n’ont pas été analysés. En 2003, l’idée a été émise qu’on ait pu vouloir baisser l’estimation la plus haute de l’âge des fossiles de Herto en utilisant des échantillons qui provenaient d’un site à plusieurs centaines de kilomètres. De même, les échantillons les plus anciens n’étaient enfouis qu’à 1,5 m, dans une strate sédimentaire, ce qui pourrait être le signe d’une sépulture rituelle. On a calculé que de nombreux autres fragments d’os trouvés sur le site n’avaient que 1000 ans.
L’absence d’analyse de l’environnement radioactif des échantillons de Florisbad (1932) a entraîné de nombreuses erreurs. Quant aux fouilles de Tuinplaas (1929), la datation au carbone 14 des ossements eux-mêmes a permis d’estimer que leur âge n’était que de 590 ans¹, alors que le même procédé effectué sur la croûte calcaire qui recouvre les os a donné un âge de 5600². La datation à l’uranium-plomb par ablation laser estime cet âge entre 10 000 et 23 000 ans³.

 

Le Proche-Orient

À Tabun, il y a déjà eu de nombreuses discussions relatives aux divergences entre les datations par luminescence et par résonance paramagnétique électronique (ESR, de l’anglais Electron Spin Resonance), qui donnent des estimations d’âge aussi différentes que 66 000 et 33 000 ans. Par la suite, avec la méthode uranium-protactinium, on a estimé que le fémur avait 12 000 ans et la mandibule 55 000 ans. En utilisant la méthode uranium-thorium, les estimations sont respectivement passées à 33 0004 ans et 62 000 ans. D’autre part, sur le site de la grotte de Skhul, des roches ont fait l’objet de plusieurs datations : la datation par ESR en système fermé de dents animales a donné des résultats allant de 55 000 à 100 000 ans en 19885 6, puis de 46 000 à 88 000 ans lors de nouvelles mesures, en 19937. L’analyse de silex brûlé a donné des estimations allant de 99 000 à 134 000 ans8. En 2005, l’analyse ESR d’un fragment dentaire provenant de Skhul II a évoqué un âge de 131 000 ans minimum pour une hypothèse basse, en supposant que l’uranium ait été incorporé de manière différée, mais avec une modélisation en système ouvert, cela donnerait des estimations d’âge potentiellement infinies. En revanche, l’analyse des séries de l’uranium par spectrométrie de masse à thermo-ionisation (TIMS) de dentine issue de Skhul II a émis l’hypothèse qu’elle n’était vieille que de 32 000 ans9.

 

Europe

À la grotte de Vindija, en Croatie, les résultats d’une spectrométrie en système ouvert ont estimé qu’une mandibule avait l’âge moyen de 113 000 ans10. Pourtant, l’année suivante, une datation au carbone 14 a estimé cet âge à 29 000 ans11. En 2006, des ultrafiltrations ont permis de procéder à une nouvelle datation au radiocarbone, qui a reculé cet âge à 33 000 ans12. En 1991, en Espagne, on a calculé que la mandibule de l’homme de Néanderthal de Banyoles avait 45 000 ans13. En 2006, des fragments de l’une des dents ont été soumis à une datation par ESR14. Les importantes variations du rapport entre le thorium 230 et l’uranium 238 sont étonnantes : le Trou H1 permet d’estimer que la dent a 300 ans, tandis que le trou H2, à moins de 0,2 mm, permet une estimation à 57 000 ans !

 

datation

 

 

Australie

Le fossile de Mungo 3 constitue un cas intéressant pour observer les multiples essais qui ont pu être faits à différents stades du développement des techniques de datation. Des échantillons ont d’abord été prélevés dans des sédiments qui, d’après la datation au carbone 14, avaient 29 000 ans (1976)15. Selon la datation par thermoluminescence (1996)16, cette même matière avait entre 36 000 et 50 000 ans. La datation par luminescence stimulée optiquement de la couche sédimentaire dans laquelle le squelette était enfoui, associée à une datation de la couche calcitique et d’éclats d’os à travers une analyse des séries de l’uranium par TIMS, ainsi qu’une analyse spectrométrique du crâne et une datation par ESR de l’émail dentaire (1999)17 ont conclu que le squelette avait 62 000 ans. Ceci a entraîné un débat houleux entre chercheurs, avec force conjectures sur les raisons pour lesquelles cette estimation était complètement erronée. On a donc financé de nouveaux tests (2006)18 qui ont conclu à un âge de 40 000 ans. Mais cette datation a été rendue compliquée par la correction des données relatives à l’âge des dépôts détritiques, estimé entre 55 000 et 150 000 ans. Les données ont été d’autant plus confuses qu’on a calculé que des ossements trouvés dans les couches les plus profondes étaient plus jeunes que d’autres enfouis moins en profondeur !

La conclusion logique de tout cela est que l’uranium et ses isotopes fils présents dans les os et les dents sont extrêmement mobiles. Tant qu’une nouvelle méthode de mesure du temps n’aura pas été découverte, notre capacité à reconstruire l’histoire de la mobilité de l’uranium dans des échantillons restera complètement inadéquate. Nous ne serons pas en mesure de commencer à calculer des dates aussi lointaines tant que cela ne sera pas résolu.

Ces 50 dernières années, seul l’âge moyen des fossiles a été communiqué à l’essentiel de la communauté scientifique, et, lors de découvertes majeures, au grand public. Par exemple, un âge compris entre 55 000 et 150 000 ans est présenté comme un âge de 102 500 ans, ce qui donne une fausse impression de précision. De la même façon, d’autres méthodes de datation qui présentent d’importants écarts entre les estimations minimale et maximale de l’âge sont soient exclues soit incluses dans le calcul de cette moyenne. Il s’agit d’une véritable polémique intellectuelle, les journalistes et les écoliers appréhendant les dates de l’histoire des premiers hommes sans aucune conscience du chaos complet dans lequel s’inscrivent les chiffres évoqués.

Comme nous pouvons le constater, l’anthropogénie repose entièrement sur des techniques de datation absolue. C’est lorsqu’on obtient une datation absolue que l’on peut se lancer dans la datation relative. Or, à cause de son coût, la datation relative a été énormément utilisée pendant presque un siècle et s’est construite sur les bases peu solides de nos techniques de datation absolue. La datation par l’uranium-plomb, inventée en 1905, est le tout premier système de datation absolue à être entré en lice. Au départ, cette méthode était utilisée par les géologues pour dater les roches dans les coulées de lave successives et on ne l’utilise plus beaucoup en dehors de l’intervalle recommandé, qui va d’1 million à 4,5 milliards d’années. Les premiers anthropogénistes utilisaient néanmoins cette méthode avant-guerre puisque c’est la seule qu’ils avaient à disposition. Les fouilles de l’Homme de Pékin, en 1923, marquèrent le début de la course à qui découvrirait le premier homininé. L’équipe estima que le sable qui était en contact avec un crâne datait de 750 000 av. J.-C. Si cette date n’était pas étonnante pour un minéral, l’âge relatif du crâne était en revanche spectaculaire. Cette conclusion remis complètement en question les débuts de l’existence d’Homo Erectus et trouva un écho dans le monde entier. L’équipe suédoise avait trouvé le crâne fossilisé dans des couches de sable plus profondes, au fond d’un ensemble des grottes. Non seulement les chercheurs utilisèrent un outil de datation inadapté mais ils firent par ailleurs plusieurs hypothèses erronées, notamment concernant des strates sédimentaires statiques horizontales et non enfouies. L’équipe était à cours d’argent lorsqu’elle présenta ses impressionnantes conclusions à ses financeurs européens : ces derniers se réengagèrent pour cinq ans. Ce crâne et d’autres ossements importants disparurent mystérieusement en 1936 et il n’en reste plus que des moulages.

En 1945, on a introduit la datation au carbone 14, pensant dans un premier temps qu’elle permettrait de produire des datations allant jusqu’à 70 000 ans, âge qu’on réévalua par la suite à 30 000 ans, avant de revenir à 55 000 ans aujourd’hui. Cette technique n’a néanmoins pas permis de battre le record de l’homme de Pékin. Les anthropogénistes ont continué à se fier à la datation par l’uranium-plomb jusque dans les années 80, avant d’accéder à une deuxième génération de techniques, puis à une troisième, à l’aube du nouveau millénaire.

 

Méthode Date d’invention Tranche d’âge (en années) Matière examinée Méthodologie
Radiocarbone 1945 1 – 55 000 Matière organique, par exemple : os, bois, charbon, coquillages Désintégration radioactive du Carbone 14 dans la matière organique en dehors de la biosphère
Séries de l’uranium 1989 10,000 – 500,000 Minéraux porteurs d’uranium, coraux, coquillages, CaCO3 Désintégration radioactive de l’uranium 234 en thorium 230
Luminescence (stimulée optiquement ou thermiquement) 1960 1,000 – 1,000,000 Quartz, feldspath, outils en pierre, poteries Age d’enfouissement ou d’exposition à la chaleur basé sur l’accumulation des dommages causés par les radiations sur les électrons dans les réseaux minéraux
Résonance Paramagnétique Électronique (ESR) 1972 60,000 – 2,000,000 Minéraux porteurs d’uranium dans lesquels l’uranium a été absorbé  Age d’enfouissement basé sur la quantité de centres paramagnétiques dans les réseaux minéraux
Nucléides cosmogéniques 2005 1,000 – 5,000,000 Quartz ou olivine provenant de roches volcaniques ou sédimentaires Désintégration radioactive des nucléides générées par des rayons cosmiques dans des environnements superficiels
Datation par le potassium-argon (K-Ar) 1999 100,000 – milliard Minéraux porteurs d’uranium et verres Désintégration radioactive du potassium 40 dans les roches et les minéraux
Magnétostratigraphie 1992 20,000 – milliard Roches volcaniques ou sédimentaires Mesure de l’ancienne polarité du champ magnétique de la terre
Datation par les traces de fission 1988 100,000 – milliard Minéraux porteurs d’uranium et verres Mesure des traces laissées dans le verre et les minéraux par la désintégration radioactive de l’uranium 238
Datation par l’uranium-plomb 1905 1 million – 1 milliard Minéraux porteurs d’uranium Désintégration radioactive de l’uranium en plomb via deux différentes chaînes de désintégration
Téphrochronologie 1990 100 – milliards Éjectas volcaniques Examen des éléments chimiques et de l’âge des dépôts volcaniques pour établir des liens entre les séquences stratigraphiques

 

Avec le Projet Génome, l’anthropogénie a commencé à appréhender différemment la datation, en utilisant le modèle de l’horloge moléculaire, ou horloge de l’évolution. On a créé le concept d’horloge moléculaire en 1962 en observant que les rythmes de mutation variaient entre différentes espèces : les pies, par exemple, évoluent à un rythme deux fois moins rapide que la moyenne, et les tortues à un rythme huit fois moins rapide. Depuis 1987, plusieurs scientifiques sont partis du principe que les humains ont évolué à partir du chimpanzé et ont calculé le temps que cela aurait pris. Entre 1991 et 2012, ils ont proposé différentes durées, allant de 4 à 9,3 millions d’années, les plus grands nombres se retrouvant dans les recherches les plus récentes. L’âge de 9,3 millions d’années renvoie malencontreusement le premier homme à l’ère des dinosaures, et c’est à partir de ces données que des centaines d’équipe ont commencé à faire et défaire différents scénarios qui coïncideraient avec les analyses faites sur des échantillons prélevés dans des sites archéologiques du monde entier.

Le fait que l’humanité ait une si longue histoire pose de nombreuses questions. Alors qu’il faut deux ou trois ans pour qu’un corps se décompose en squelette dans un sol normal, il faut encore une vingtaine d’années avant que les os se dissolvent. Dans des conditions de sécheresse idéale, les os peuvent se conserver pendant deux siècles. Au-delà, c’est leur fossilisation qui nous prouve leur présence. Les fossiles finissent par ne plus contenir la matière d’origine : ils sont en fait un moule rempli de sédiments qui se solidifient en roche pour produire un moulage de l’animal présent au départ. En conséquence, dans une dent fossilisée, il n’y a plus rien de la dent humaine originelle. Ce dernier point est essentiel. Aucun fragment des premiers hominidés de la longue histoire de l’humanité n’a été réellement daté ; seules les roches sédimentaires, et plus précisément l’uranium incorporé dans la roche, l’ont été. De nos jours, les deux principales méthodes pour estimer l’âge des os et des dents sont la datation par les séries de l’uranium et la datation par ESR, qui donnent des résultats variant selon un ordre de grandeur qui dépend de la courbe d’incorporation de l’uranium utilisée par le chercheur dans son analyse. Il a fallu apporter d’importantes corrections aux interprétations faites dans les années 1980 et 1990, à mesure que l’on comprenait mieux comment l’uranium était absorbé dans son environnement et qu’il devenait plus clair, grâce aux nombreux tests effectués sur différentes zones d’un même échantillon, que ces absorptions et infiltrations se faisaient de manière non linéaire et localisée.

D’autres complications s’ajoutent quand on date un fossile en se basant sur le sable ou le sol l’entourant, un peu comme si l’on décrétait qu’un touriste avait le même âge que les pyramides dans lesquelles il aurait fait un arrêt cardiaque. Il semble raisonnable de penser que les dinosaures n’ont pas enterré leurs morts ou ne sont pas morts dans des grottes. Par conséquent, les fossiles qui se trouvent incrustés dans les couches stratigraphiques qui les entouraient semblent raisonnablement pouvoir être datés de manière sérieuse par les paléontologues. En revanche, des humains enfouis dans des couches de sable ou de terre pourraient d’une part avoir été enterrés par des membres de leur clan, mais ils pourraient aussi avoir été enterrés dans des grottes effondrées ou qui avaient déjà servi. Pour ajouter de l’incertitude à la confusion, cette technique induit que la répartition du plomb, du potassium, de l’argon piégé, de l’uranium et du thorium dans les roches analysées se soit faite de manière uniforme et non fractionnée. Les paires père/fils qu’on utilise pour mesurer la demi-vie sont bien plus instables qu’on ne le pensait avant, c’est pourquoi la matière de base et une carte détaillée du radiocarbone présent dans l’environnement immédiat des fossiles sont indispensables pour servir de point de comparaison.

La datation au carbone 14 permet de savoir de manière miraculeusement précise à quel moment la mort s’est produite mais elle n’a pas le pouvoir de dater les vieux ossements fossilisés car le carbone y est souvent contaminé ou en quantité trop faible. La datation au radiocarbone s’est avérée précise à 20 ans près sur une période de 400 ans lors de l’analyse des cernes de croissance d’échantillons de bois, mais elle ne parvient pas à de telles performances au-delà.

Des scientifiques chinois et allemands ont travaillé à la datation d’éléments dans le bassin versant du lac Xingkai : la luminescence stimulée optiquement, qui calcule à quel moment les sédiments ont cessé de recevoir la lumière du soleil, a permis d’estimer qu’ils avaient 80 000 ans alors que la datation au carbone 14 leur en donnait 40 000. On ne sait pas quelle datation est exacte, si tant est que l’une d’elle le soit.

Malheureusement, les expériences du XXe siècle relatives à la datation des os humains et les hypothèses de l’horloge moléculaire sont actuellement devenues des dogmes scientifiques. Il faudra des générations pour remplacer cette version officielle qui fait aujourd’hui office d’histoire, un peu comme ça a été le cas autrefois avec les récits de la création : quand on aura les moyens techniques de dater précisément les os humains fossilisés et qu’on pourra remonter avant 55 000 ans, on aura beaucoup de mal à accepter une nouvelle chronologie.

 

 

 

References:

¹ Hedges et al., (1996a)
² Vogel and Marais, (1971)
³ Pike et al. (2004)
4 Stringer et al. (1989)
5 Schwarcz et al., (1988)
6 Valladas et al., (1988)
7 McDermott et al. (1993)
8 Mercier et al. (1993)
9 Gru¨net al. (2006).
10 Karavanic et al., (1998)
11 Smith et al., (1999).
12 Higham et al. (2006a)
13 Maroto (1993)
14 Gru¨n et al. (2006).
15 Bowler and Thorne, 1976
16 Chappell et al., 1996
17 Oyston
18 Gillespie and Roberts (2000), Gru¨n et al. (2000), and Brown(2000)