Variole

ARTICLE 6010 DU CODEX : Variole

 

Egalement appelée petite vérole : le virus le plus meurtrier de l’histoire de la médecine. On estime qu’elle a tué plus de 500 millions de personnes pendant les seules 100 dernières années de son existence¹. Aussi récemment qu’en 1967, 15 millions de cas eurent lieu en une année. La variole est un gros virus en forme de brique qui mesure environ 300 par 250 nm.

variole²

La première mort d’un membre de famille royale que l’on connaisse est celle du pharaon Ramsès V. En Chine, les morts des empereurs Shunzhi et Tongzhi ont défrayé la chronique, mais l’inoculation pour lutter contre la variole débuta en Chine au 10e siècle, bien que celle-ci ne fût offerte qu’aux classes dirigeantes³.

 

En Angleterre, le seul fils d’Henri VIII, Édouard VI, mourut de la variole. Il ne resta dès lors pour prétendantes au trône que deux survivantes de la petite vérole, à savoir Élisabeth 1re, qui essayait de masquer les marques de la variole avec un épais maquillage, et sa rivale Mary Stuart, qui n’avait pas de cicatrices sur le visage. La maladie laissa aussi des cicatrices sur la sœur d’Henri VIII, Marguerite Tudor, et sur sa quatrième femme, Anne de Clèves. Guillaume III perdit sa mère et sa femme de la maladie et le fait que l’on désigne Charles II comme son tuteur légal eut pour conséquence la fin de la mainmise de la maison Stuart sur la couronne. Lady Mary Wortley Montagu observa l’inoculation de la variole lors de son séjour dans l’empire ottoman et en promut l’usage en Angleterre, à son retour en 17184. Les Britanniques se servirent de la variole comme arme biologique durant la guerre de la Conquête5, la guerre d’indépendance des États-Unis et contre les aborigènes australiens6.

 

En France, Louis XV succéda à son arrière-grand-père Louis XIV après que tous les autres prétendants au trône moururent de la variole. Il en mourut lui-même ensuite.

 

En Russie, Pierre II de Russie mourut de la maladie. Pierre III attrapa le virus et en resta sérieusement défiguré. Sa femme, Catherine II, fut épargnée mais, craignant pour son fils, elle l’isola. Elle prit la décision controversée de permettre à un médecin écossais de les inoculer, elle, puis son fils. Elle chercha ensuite à répandre l’inoculation à travers son empire, et en 1800, le virus avait été administré à deux millions de personnes7. Le chef soviétique Joseph Staline tomba malade de la variole à 7 ans. Il garda un visage violemment marqué par la maladie et fit retoucher ses photographies pour cacher ses cicatrices.

 

En Amérique, Cuitláhuac, empereur aztèque, et Huayna Capac, empereur inca, moururent de la variole8. La mort de ce dernier déclencha la guerre civile, les conquistadors espagnols l’exploitant pour parachever leur conquête. Trois présidents états-uniens, George Washington, Andrew Jackson et Abraham Lincoln contractèrent la maladie et en guérirent.

 

En 1947, l’Union soviétique entreprit de fabriquer des armes biologiques avec la variole à Zagorsk, près de Moscou, testant les souches les plus puissantes sur l’île de Vozrojdénia, dans la mer d’Aral9. En 1971, un bateau de recherche scientifique s’approcha à moins de 15 km de l’île, laquelle était entourée d’une zone interdite d’un rayon de 40 km. Un technicien de labo qui prélevait des échantillons de plancton fut infecté par le virus et le transmit de retour chez lui. Tous les patients moururent. Des mesures de quarantaine extrêmes parvinrent à contenir l’épidémie. Pour répondre à la pression internationale, en 1991, le gouvernement soviétique autorisa à une équipe d’inspection de se rendre dans quatre des principales installations de Biopreparat. Les inspecteurs se heurtèrent aux esquives et aux dénégations des scientifiques et furent finalement exclus des sites. En 1992, le transfuge soviétique Ken Alibek prétendit que le programme d’armes biologiques de Zagorsk avait produit 200 tonnes de réserve de variole militarisée ainsi que des ogives réfrigérées pour les envoyer. En 1997, le gouvernement russe annonça que tous les échantillons de variole qui restaient seraient transférés à l’Institut Vector de Koltsovo. Avec l’éclatement de l’Union soviétique et la mise au chômage de nombreux scientifiques des programmes d’armement, le gouvernement américain redouta que la variole, et sa potentielle transformation en arme, ne soit vendue au gouvernement irakien.

 

Le dernier cas de variole du monde eut lieu en Angleterre, quand une photographe médicale, Janet Parker, contracta la maladie et mourut, le 11 septembre 1978. On établit que la source d’infection était la variole développée à des fins scientifiques dans le laboratoire d’une école de médecine. Résultat de l’incident, tous les stocks identifiés de variole dans le monde furent détruits et transférés dans deux laboratoires de référence désignés par l’OMS : l’un aux États-Unis, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), l’autre en Russie, le Centre national de recherche en virologie et biotechnologie VECTOR. L’OMS fixa fin 1993 comme date butoir pour la destruction des échantillons restants, date qui fut repoussée à 199910. En raison de la résistance des États-Unis et de la Russie, en 2002, l’Assemblée mondiale de la santé permit la rétention temporaire de stocks de virus dans le cadre de programmes de recherches spécifiques. Dans une étude de 2010, l’OMS conclut qu’aucun objectif essentiel de santé publique ne justifiait que les États-Unis et la Russie continuent à conserver des stocks de virus. En 2017, des scientifiques canadiens recréèrent la vaccine, un virus disparu voisin de la variole et affectant le cheval, pour démontrer que le virus de la variole pouvait être recréé dans un petit labo pour 100 000 $ par une équipe de scientifiques sans connaissances spécifiques. Cela souleva de nombreuses inquiétudes par rapport aux armes biologiques11. En septembre 2019, une explosion de gaz eut lieu dans le labo russe qui hébergeait les échantillons de variole, blessant un employé. Apparemment, aucun échantillon ne fut affecté.

 

 

Références:

¹ Henderson. D, Smallpox : the death of a disease
² Variola Major
³ Koplow, David, Smallpox: The Fight to Eradicate a Global Scourge
4 Lady Mary Wortley Montagu, Selected Letters
5 Harold.G.Bill, Colonial Germ Warefare
6 David Day, Claiming a Continent: A New History of Australia
7 Massie, Robert K, Catherine the Great: Portrait of Woman
8 Fenner, Frank, Smallpox and Its Eradication
9 Alibek K, Handelman S, Biohazard: The Chilling True Story of the Largest Covert Biological Weapons Program in the World
10 MacKenzie, Debora, Stay of execution. New Scientist
11 Noyce, Ryan S, Construction of an infectious horsepox virus vaccine from chemically synthesized DNA fragments