Yahweh

ARTICLE 1030 DU CODEX : Yahweh

 

Fils d’El et dieu des Israélites, adopté ultérieurement par la religion chrétienne. Dans l’Enuma Elish, ou mythe de la création babylonien, El sépare l’eau douce de l’eau salée. Son petit-fils, Marduk, est tué par la déesse de la Mer, Tiamat, puis il est ressuscité pour la tuer et se venger. Marduk ordonne à El de créer le premier homme, Lullu, avec le cadavre du fils de Tiamat. En Égypte, Rê crée l’air, Shou, et l’eau, Tefnout. Il créa Geb et Nout, dont le premier-né est Osiris. Son frère Seth tue Osiris qui est ressuscité par sa femme suffisamment longtemps pour donner naissance à Horus. Dans le mythe de la création cananéen, issu du cycle ougaritique de Baal¹, El sépare l’air de l’eau et son fils Baal tue son frère Yam, le dieu de la Mer. Un autre frère, Mot, le dieu des Enfers, tue ensuite Baal, lequel est ressuscité par sa femme pour pouvoir se venger. Dans la quelque peu moins sanguinaire version israélite, El sépare les eaux et Yahweh crée le premier homme, Adam. Les trois représentations de la création reconnaissent El comme le « Créateur de la Terre »² , ou bny bnwt, « Créateur de toute chose faite ».

Yahweh fait sa première apparition dans la Bible, dans la Genèse 2:4. Avant cela, El, ou Élohim, qui signifie soit « les dieux » soit « les fils d’El », a déjà fini les six jours de la création et pris un jour de repos avant que Yahweh n’arrose les plantes qui sont sur terre et ne crée הָֽאָדָ֖ם, hā-’ā-ḏām, un homme. Le nom commun a été remplacé par le nom propre, Adam en français. Yahweh construisit un jardin à l’est, quelque part près de l’endroit où l’Euphrate et le Diyala confluent et se jettent dans le Tigre, lieu situé aujourd’hui en Irak et anciennement dans région de Babylone³. Il planta dans le jardin les Vergers de la Longévité et de la Sagesse. Yahweh endormit l’homme et lui enleva une côte. Elle servit à la fabrication de אִשָּׁ֔ה, ’iš-šāh, une femme, appelée Ève en français dans la Bible. Cet usage des noms propres Adam et Ève a été à l’origine d’une immense confusion, engendrant notamment l’idée qu’il y ait eu un couple unique à partir duquel toute l’humanité aurait été créée. Presque immédiatement, dans la Genèse 2:24, on traduit « Adam et sa femme étaient nus l’un à côté de l’autre, sans en éprouver aucune honte. » וְלֹ֖אbe יִתְבֹּשָֽׁשׁוּ. Ce mot signifie en fait soit « ils n’étaient pas complètement cuits », soit « mais on ne leur avait pas demandé ». Il n’y a d’occurrence antérieure du mot dans le sens de « honteux » dans aucun texte, ni biblique ni autre. Dans l’Antiquité, la femme était perçue comme une incubatrice passive. La phrase d’Aristote souvent citée « la semence de l’homme cuit et transforme le sang menstruel en êtres humains » résume bien les idées qu’on avait à l’époque des mécanismes de la procréation4 . On employait également les anciens termes relatifs à la fermentation pour représenter la grossesse5. L’expression « ils n’étaient pas complètement cuits » après le coït, pourrait sous-entendre qu’ils avaient échoué à engendrer un enfant. Cette notion de difficulté à créer les premiers humains fait écho à celles décrites dans l’épopée mésopotamienne de la Révolte des Igigi6, où la déesse Nintu est aux prises avec des premiers-nés mort-nés et des humains stériles7. Ceci rapprocherait le texte des mythes mésopotamiens plutôt que n’assiérait les concepts ultérieurs de culpabilité sexuelle ou intellectuelle.

Au tournant du 20e siècle, des spécialistes, menés par Hermann Gunkel8 et Friedrich Delizsche9, conclurent que le récit de la création dans l’Ancien Testament était une relecture des récits cananéens et babyloniens de la création, avec Yahweh remplaçant son frère Baal et son neveu Marduk. Les chrétiens ont multiplié les ressemblances en ajoutant un meurtre et un fils ressuscité.

Les textes babyloniens et cananéens sont remplis de conflits entre frères, et la Bible n’est en rien différente, une grande partie du texte étant dédiée à la profonde haine de Yahweh envers Baal. Il y a un nombre incalculable d’exemples de la rage et de la vengeance de Yahweh quand les Israélites en revinrent au culte de Baal10. Plus d’une douzaine de villes nommées en l’honneur de Baal furent rasées et rebaptisées, après avoir été conquises11 par les Israélites qui en massacrèrent les habitants. On fait également régulièrement référence à la destruction des temples de Baal et à celle des poteaux d’Ashera, ainsi qu’aux meurtres de prêtres, aussi bien pendant l’invasion de Canaan que plus tard, à l’époque des Rois.

Yahweh disparaît de l’Ancien Testament à peu près au moment de la mort de Josué, après que Juda réussit à conquérir Jérusalem et les dernières colonies cananéennes de Gaza. Avec Yahweh à ses côtés, la victoire était assurée, et pendant soixante ans, les Israélites commirent des génocides dans la totalité des fermes, hameaux, villages ou villes de la région, sous la protection de Yahweh12. Les rois étaient empalés sur des poteaux à l’entrée de chaque campement et seules les femmes non mariées étaient épargnées, pour être utilisées comme servantes ou femmes pour les Israélites.

 

 

Références:

¹ Tablettes de Ras Shamra
² Inscription phénicienne de Karatepe
³ Gen. 2:8
4 Suttie, Ian D; The Origins of Love and Hate
5 Andrew Gray, Mythology, Spirituality, and History
6 Texte sumérien original (I:178-220)
7 Maximillien De Lafayette, Comparative Encyclopedic Dictionary of Mesopotamian Vocabulary
8 Hermann Gunkel, Schöpfung und Chaos in Urzeit und Endzeit
9 Friedrich Delitzsch, Babel and Bible: Two Lectures
10 Nombres 25:3-5; Deut. 4:3; Jug. 2:11-13; Jug. 3:7; Jug. 8:33; Jug. 9:57; Jug. 10:6-10; Sam. 7:4; 1 Sam, 12:10; 1 Rois 16:31; 1 Rois 18:18
11 Nombres 32:38
12 Josué 5:13-6:27, Josué. 8, Josué 10-12