Article 1022 du CODEX : La destruction des temples
Saint Chenouté – « Il n’y a pas de crime pour qui connaît le Christ »
La communauté internationale s’est indignée d’apprendre que les combattants de Daech avaient détruit le temple de Baal, à Palmyre, en août 2015. Cette destruction fait néanmoins pâle figure face à celles commises par les chrétiens fanatiques entre 320 et 520 apr. J.-C. Les « siècles obscurs », considérés ultérieurement comme le début du Moyen-Age, sont nés du vandalisme culturel mené au nom de Jésus. A cette époque, et pour chaque pseudo-martyr chrétien, il y a eu des dizaines d’intellectuels lynchés, condamnés au bûcher ou décapités.
De nombreux vandales et meurtriers furent canonisés par l’Église primitive. L’exemple le plus symbolique est peut-être celui de saint Théophile, évêque d’Alexandrie qui fut canonisé après les saccages qu’il commit en 392. Il déclarait que les temples étaient la demeure des démons. Il pilla le mithraeum sans vergogne et exhiba, par dérision, le pénis de Dieu dans les rues d’Alexandrie, avant de diriger sa colère sur l’un des plus grands monuments du monde antique, le Temple de Sarapis. Saint Théophile prit la tête d’une foule de moines et de voyous qui pénétrèrent dans le temple, mutilèrent les statues puis démolirent l’édifice. On vendit les pierres démantelées ou on les utilisa pour construire de petites églises dans toute la ville. Le même traitement fut réservé à la bibliothèque et aux bâtiments universitaires qui dépendaient du temple. On emporta ou brûla tous les livres, laissant les étagères vides. Les poètes et les philosophes prirent la fuite.
Le neveu de Théophile, Cyrille, qui s’empara de l’épiscopat à la mort de son oncle, fut lui aussi canonisé pour son vandalisme et sa persécution des minorités chrétiennes et des juifs. Il fit fermer toutes les églises des novatiens et se saisit de leurs biens avant d’expulser de la ville 100 000 juifs, les spoliant également de leurs biens. Un jour, à l’aube, il mena une attaque surprise contre les synagogues : il les réduisit à néant et partagea le butin entre ses hommes de main. Oreste, le préfet romain, se plaignit auprès de Rome. Il jugeait que l’évêque pervertissait son administration, y compris la police. Mais l’impératrice-régente Pulchérie, qui fut également canonisée par l’Église, était elle-même une chrétienne fanatique occupée à transformer le palais impérial de Rome en monastère. Cyrille obtint donc, en récompense, plus de pouvoir. Il diabolisa les savoirs et les sciences alexandrines traditionnelles, qui relevaient selon lui du culte du diable. Il accusa également La République de Platon d’être un ferment de sorcellerie et de trahison.
Hypatie était une mathématicienne et astronome reconnue. Elle devint la cheffe de l’école néoplatonicienne de philosophie d’Alexandrie. Sa renommée attira des étudiants de toute la Méditerranée. Sa réputation et son talent rendaient saint Cyrille furieux : il les considérait comme un obstacle au « progrès de la foi ». Il déversa son fiel sur cette « traînée » lors de ses prêches et l’on vit déferler du désert de nouveaux chrétiens fanatiques qui répondirent à son appel. En 415, ces brutes s’attaquèrent à Hypatie. Ils la traînèrent dans une église, la déshabillèrent, la battirent, l’écorchèrent vivante avec des tessons de porcelaine, lui crevèrent les yeux et la découpèrent en morceaux. Quand Oreste essaya d’enquêter sur sa disparition, il fut assassiné lui aussi. Saint Cyrille annonça qu’Hypatie était partie à Athènes et qu’Oreste avait démissionné. Il put ainsi le remplacer par un préfet fantoche. Il obtint l’accord de sainte Pulchérie pour passer de 500 à 600 le nombre de voyous qui lui faisaient office de gardes du corps, les redoutables parabalani. Suite au meurtre d’Hypatie, les érudits commencèrent à quitter la ville : ce fut le début du déclin d’Alexandrie, le centre des savoirs antiques. Saint Cyrille finit par exiler tous les érudits, poètes et philosophes qui restaient.
Comme on croyait que des démons vivaient à l’intérieur des statues, quand on en détruisait une, le premier geste était généralement de lui couper le nez pour que les démons ne puissent plus respirer et qu’ils s’échappent. Quand c’était possible, on décapitait la statue et on lui coupait les mains et le sexe. Ces profanations sont la « signature » des vandales chrétiens. C’est pourquoi nous observons ceci sur toutes les statues antérieures au IVe siècle. Les destructions furent particulièrement sévères en Égypte et en Palestine. Les chrétiens du XIXe siècle, à l’époque des scientifiques et des historiens passionnés, firent de leur mieux pour ignorer ces mutilations dont les premiers saints étaient responsables. On a même imputé à Napoléon, d’abord, puis aux musulmans, l’absence du nez du Sphinx.
Durant l’Antiquité, il y eut plusieurs grandes collections de livres, la plupart accessibles à n’importe quel érudit, d’où qu’il vienne. Cependant, aucune d’entre elles n’a survécu aux obscurs siècles chrétiens. On estime que 90 % des textes classiques furent détruits durant cette période. La collection la plus célèbre était celle de la Bibliothèque d’Alexandrie, hébergée sur trois sites différents. La « Bibliothèque royale », la principale, se trouvait à proximité du palais et faisait partie du Musée, un « temple » dédié aux neuf Muses. Démétrios avait commencé à sélectionner et acheter des livres pour Ptolémée en 304 av. J.-C. La plupart des œuvres furent ensuite traduites en grec, notamment la Septante, le document fondateur de la Bible chrétienne, traduite par 72 rabbins. L’ambition de Ptolémée était alors de posséder tous les écrits qui existaient dans le monde.
Une centaine d’érudits furent invités à des résidences tous frais payés au Musée et étudièrent des documents du monde entier qui traitaient de mathématiques, médecine, astronomie et géométrie. Les savants étaient nourris et aidés financièrement, d’abord par la famille royale, puis par les deniers publics lors de la période romaine. La plupart des découvertes de l’Occident furent consignées et discutées dans ce lieu pendant les 500 années qui suivirent. La Bibliothèque royale fut touchée lorsque Jules César mit feu à la flotte du frère de Cléopâtre et que l’incendie se répandit dans les bâtiments portuaires. En compensation, Marc Antoine offrit à Cléopâtre 200 000 rouleaux de la bibliothèque de Pergame. On construisit une annexe à la bibliothèque, dotée de 19 salles de travail, près du temple de Sarapis. Le Sérapéum, dédié au nouveau dieu, avait été construit par Ptolémée II Philadelphe et achevé par son fils. Une deuxième annexe, consacrée uniquement à l’histoire, fut créée par l’empereur Claude au milieu du Ier siècle apr. J.-C. et une troisième annexe, installée au Césaréum, fut fondée par Hadrien suite à sa venue à Alexandrie en 130.
Par ailleurs, lorsque Zénobie, reine de l’empire palmyrénien qui vouait un culte à Baal, s’empara d’Alexandrie en 270, elle transféra une partie des rouleaux dans ses propres bibliothèques. D’autres rébellions, batailles et pillages, ainsi qu’un mécénat inexistant, réduisirent plus encore le fonds qui avait pu atteindre 700 000 rouleaux. Mais le glas, c’est clairement saint Théophile qui le sonna. Pour se donner une idée de l’ampleur de la collection, la fameuse bibliothèque chrétienne de la Sorbonne, à Paris, se vantait, en 1338, de posséder 1728 œuvres.
« La précieuse bibliothèque d’Alexandrie fut pillée ou détruite et, près de vingt ans plus tard, la vision des étagères vides provoquait les regrets et l’indignation de chaque spectateur dont l’esprit n’était pas complètement obscurci par les préjugés religieux. » Gibbon
Ces actes de violence étaient, dans une certaine mesure, des actes de vengeance disproportionnés. Durant les siècles précédents, quand quelqu’un refusait de faire un sacrifice à l’empereur romain, des périodes de châtiment était imposées localement. De tels édits n’étaient pas destinés aux chrétiens. On considérait ces offrandes comme un serment de loyauté et d’obéissance. Mais les chrétiens firent partie des personnes exécutées suite à leur promulgation et cela pendant une dizaine d’années sous le règne de Néron, quinze ans sous celui de Marc Aurèle, une année sous celui de Dèce et une autre sous celui de Trébonien Galle. La dernière persécution eut lieu en 303 apr. J.-C., quand les chrétiens et les manichéens perses se retrouvèrent au centre de l’attention. D’ailleurs, les martyres et les profanations eurent lieu principalement durant le règne de Maximien Galère. À ce moment-là, les chrétiens représentaient 10 % de la population de l’empire. L’église chrétienne construite depuis peu à Nicomédie fut rasée, ses textes sacrés brûlés, ses trésors dérobés. Elle n’était ni grande ni importante mais elle était située sur une colline juste au-dessus de l’administration impériale. Les chrétiens furent exclus de l’armée. On a pu répertorier 103 exécutions chrétiennes dans diverses archives et il y en a sans doute eu davantage, mais sûrement bien moins que ce que la future Église allait laisser croire.
Le retour de bâton, quand les rôles changèrent, fut quoi qu’il en soit extrême. 50 ans après le règne de Constantin, les chrétiens inversèrent la loi et on menaça désormais de peine de mort quiconque se livrerait à des sacrifices. La roue avait complètement tourné. A partir de 330, et pendant un siècle, on chercha à faire disparaître les temples, les bibliothèques et les savoirs. Constantin exigea qu’on supprime toutes les statues et que l’or, l’argent et les bijoux des temples soient vendus au profit de l’Église. Les toits des édifices étaient démantelés et les tuiles revendues. Les pillages se multiplièrent. En 382, l’empereur Gratien ordonna qu’on enlève l’autel de la Victoire du Sénat. Les 50 années suivantes constituèrent l’apogée du génocide culturel des anciennes religions. En 408, une loi fut votée pour statuer sur ce qui subsistait des saccages antérieurs.
« S’il demeure des statues dans les temples et les sanctuaires, elles devront être arrachées de leurs piédestaux. Les bâtiments des temples qui se trouvent à l’intérieur ou à l’extérieur des villes doivent être rendus publics. Les autels devront être détruits en tout lieu. »
« Cherchez les livres des hérétiques en tout lieu. Quand vous pouvez, ramenez-les-nous ou brûlez-les. »
Les philosophes étaient torturés, brûlés vifs ou décapités. C’est pour éviter le même sort que nombre d’entre eux choisirent de brûler leur propre bibliothèque. Saint Chenouté déclara : « Parce que vous êtes chrétiens, vous êtes obligés de les brûler ». Les livres étaient inspectés et jetés au feu. Saint Siméon rallongea la liste des brûleurs de livres canonisés : « Rassemblez tous les livres et brûlez-les » déclara-t-il. Alors que la destruction touchait à sa fin, Saint Benoît fit raser le sanctuaire d’Apollon sur le mont Cassin, en 529. On promulgua alors une loi selon laquelle quiconque vénérerait une statue serait exécuté. Tout un chacun devait être baptisé et ceux qui refusaient perdaient tous leurs biens. La « loi 1.11.10.2 » interdit l’enseignement de la philosophie et des sciences. L’atomisme et la géométrie devinrent objets d’hérésie.
Les vieux rouleaux se détériorèrent au fil des siècles et l’interdiction de copier les textes classiques, en vigueur de 550 à 750, acheva les dégâts. Le polythéisme antique disparut presque, ne perdurant qu’au sein de quelques groupuscules secrets dont on taxa les membres de suppôts du diable ou de Satan.
Saint Jean Chrysostome : « Les textes des Grecs ont tous pourri et sont réduits à néant. »