ARTICLE 3510 DU CODEX : Kamtchatka
Une péninsule rude et isolée, plus grande que la Californie, dépourvue de routes goudronnées et accessible principalement par hélicoptère. Ses plateaux et sommets volcaniques aux neiges éternelles. Un endroit où les ours bruns et les pygargues festoient lors du retour des saumons du Pacifique. A la différence de leurs cousins de l’Atlantique, les saumons du Pacifique, dont un spécimen sur cinq dans le monde revient au Kamtchatka, se reproduisent une seule fois avant de mourir. Quand l’adulte rejoint le cours d’eau où il va frayer, il se dirige vers la mort, qui suit inexorablement le sexe. Alors que les poissons revenaient autrefois en cohortes majestueuses, le braconnage mené par les organisations criminelles a réduit les cortèges à de minces filets. Les nutriments sont en baisse constante dans les vallées supérieures, rejetés par l’eau et le limon en aval. Pourtant, chaque année apporte un renouveau de l’océan, grâce au voyage et à la mort de millions de saumons. Bien avant les Russes, les Itelmènes vénéraient un dieu du nom de Khantai, moitié poisson, moitié humain, tant était importante cette abondance annuelle. Mais pendant les décennies agitées du stalinisme, les gens ont dénoncé leurs voisins ; nombre d’entre eux ont été arrêtés et envoyés à la mort dans les camps du Goulag de l’archipel. A la même époque, de l’autre côté du Pacifique, les migrations du saumon sauvage d’Amérique du nord, autrefois considérables, ont été anéanties par la construction de barrages, la surpêche et la pollution. De plus, la dépendance aux écloseries a génétiquement diminué les poissons.