Article 3301 du CODEX: Obélisques
Les plus gros et les plus anciens obélisques proviennent des deux grandes villes religieuses dédiées aux dieux du soleil : l’Héliopolis du nord, située dans le Caire d’aujourd’hui, et l’Héliopolis du sud, située à Louxor (Thèbes). Au sud se trouvaient les temples antiques d’Amon et d’Amon-Rê, à Karnak (2 000 à 1 400 av. J-C.), et ceux de Louxor même, où les pharaons furent déifiés à partir de 1 400 av. J.-C. Dans l’Héliopolis du nord il y avait aussi plusieurs gros temples dédiés à Rê, Atoum et Horus (noms qu’on donnait localement à Rê, Amon et Amon-Rê). Les deux villes étaient appelées « Villes des dieux du Soleil » et, localement, « les Piliers » parce qu’on y trouvait ces imposants obélisques en granit massif deux par deux, chaque paire étant le don d’un pharaon.
A la mort de Cléopâtre, l’empereur romain Auguste annexa l’Égypte et entreprit un pillage systématique des obélisques, les transportant d’abord dans le port d’Alexandrie, puis à Rome. Seul un obélisque se dresse encore aujourd’hui dans l’Héliopolis du nord : les quelques pierres qu’il restait des vestiges des temples ont été utilisées comme matériaux des premières constructions du Caire. Dans l’Héliopolis du sud, il en reste un, à l’entrée du temple de Louxor. La France a tardivement daigné y renoncer, dans les années 90. Si de nombreux obélisques ont été victimes de tremblements de terre, plus des deux tiers ont été volés par les envahisseurs.
A la fin de son règne, Auguste avait achevé le transport, via le Nil, de cinq obélisques entre Louxor et Alexandrie. Une paire d’entre eux fut utilisée pour décorer la façade du Césaréum que Cléopâtre avait fait construire en l’honneur de Jules César. Un premier obélisque, expédié en Italie, fut érigé sur le Champ de Mars, mais s’écroula et se brisa en morceaux au 9e siècle. On le reconstruisit plus tard et le pape Pie VI le réérigea au 18e siècle. C’est celui que nous connaissons aujourd’hui sous le nom d’obélisque du Montecitorio. Un deuxième obélisque, celui de la piazza del Popolo, fut pris sur le Circus Maximus pour être réérigé par le pape Sixte V, la même année où il érigea l’obélisque du Vatican. Auguste fit également venir deux nouveaux obélisques d’Égypte pour son propre mausolée et l’empereur Domitien en commanda une copie pour l’ériger au temple de Sarapis, l’Amon-Rê grec, à Rome. Le comte d’Arundel, grand maître des francs-maçons anglais de 1633 à 1635, versa un acompte et tenta d’expédier les quatre parties de l’obélisque de Sarapis à Londres, mais Urbain VIII refusa qu’il soit exporté.
Le cinquième des obélisques volés par Auguste fut transporté à Rome à la demande de Caligula et traversa la Méditerranée lors d’un périlleux voyage, en 40 apr. J.-C. Cela fut considéré comme une telle prouesse de génie civil que Pline l’Ancien consigna l’événement dans son histoire de Rome. Caligula le plaça dans son cirque, ou plutôt ce qu’on appelait le cirque de Néron, et c’est ce monument qui devint ensuite l’obélisque du Vatican, sur la place Saint-Pierre.
Le Césaréum d’Alexandrie fut converti en église au 4e siècle et les deux obélisques situés à l’entrée s’écroulèrent lors d’un tremblement de terre, en 1303. Après le siège d’Alexandrie, en 1811, où les troupes de Napoléon essuyèrent une défaite, le commandant Richard Ford William Lambart, 7e comte de Cavan et important franc-maçon, proposa que les monuments soient transportés à Londres. L’expédition fut retardée pendant 70 ans mais l’un des obélisques finit par arriver, en 1877, après avoir été perdu en mer dans le golfe de Gascogne et débarqué en France. Son transport fut financé par un groupe de francs-maçons dirigés par William James Erasmus Wilson. A la même époque, avec le soutien financier de William Vanderbelt, H. H. Gorringe, capitaine de corvette franc-maçon, emmena l’autre obélisque à New York.
Constance II, fils de Constantine, accéda au pouvoir après avoir commandité le meurtre de ses deux oncles et six cousins. Il fut plus tard proclamé hérétique par l’Église pour sa volonté de transformer le credo. L’un des intéressants décrets qu’il promulgua stipule que seul le clergé pouvait acheter des prostituées chrétiennes. En 357 apr. J.-C., il fit transporter deux obélisques du temple de Louxor à Alexandrie. L’un, pesant 450 tonnes – le plus gros d’Égypte, fut érigé sur la spina du Circus Maximus, à Rome, à côté de celui d’Auguste, plus petit. On l’appelle aujourd’hui Obélisque du Latran. Il chuta et fut partiellement enfoui dans de la vase jusqu’à ce que Sixte V ne fasse déterrer les parties cassées et qu’il ne le réérige près du palais du Latran en 1588. Le second obélisque fut expédié à Constantinople par Théodose, en 390, et installé sur la spina de l’hippodrome. Il se cassa durant l’érection et ne fait donc plus que 18 m de haut. On conçut un piédestal plus large en compensation.
En 1833, la même année où le comité du Washington Monument proposait de construire un obélisque creux de 150 m de haut – qui serait alors le plus haut bâtiment du monde, un autre obélisque en granit massif mesurant 23 m de haut et pesant 250 tonnes arriva à Paris depuis le temple de Louxor dédié à Amon-Rê. Une barge spécialement conçue pour le transport avait remonté le Nil jusqu’à Louxor, où 300 ouvriers avaient creusé un canal pour permettre au bateau d’approcher l’obélisque. Une corvette à vapeur et à voiles, le Sphinx, remorqua ensuite la barge d’Alexandrie à Cherbourg. L’érection du monument sur la place de la Concorde fut planifiée avec le plus grand soin par le roi Louis-Philippe Ier, grand maître du Grand Orient de France.
D’autres obélisques plus petits arrivèrent jusqu’en Europe. L’un d’eux, l’obélisque de Boboli, fut acheté par le cardinal Ferdinand Ier de Médicis au XVIe siècle et installé dans les jardins de la villa Médicis. Plus tard, en 1788, Pierre-Léopold, grand-duc de Toscane et de Lorraine et fils de François Ier, empereur des Romains et premier maître maçon royal, transféra l’obélisque dans sa résidence de Florence.